Je suis une jeune femme.Du haut des mes 17 ans, je suis une élève de Serdaigle en 6ème année. En cas de pépin, veuillez envoyer un mot à mon père, officieux, qui vit, reclus, sur l'île d'Anglesey au nord du Pays de Galles.

Sinon, je suis une sang mêlé qui s'ignore née un douze octobre de parents gallois. Ah ! Je suis une Kneazle presque convaincue.

« Qu’est-ce que c’est, ça ? »
« Ca ? C’est une sucette. Tu en veux ? »

La petite fille hocha la tête et saisit l’objet convoité dans sa petite main. Elle sourit de ses petites dents blanches et mit la friandise dans sa bouche. Le goût sucré réveilla ses papilles, ce goût lui était encore inconnu et ses yeux se mirent soudainement à pétiller de bonheur. Elle n’avait pas le droit de manger des sucreries.

« Tu veux venir chez moi ? On peut voir la mer. »
« C’est quoi la mer ? »

La petite se gratta la tête l’air déconfit, tandis que l’homme étouffa un petit rire. Il expliqua que la mer c’était l’endroit où vivaient les poissons et elle acquiesça satisfaite, elle n’avait jamais vu de poisson. L’homme prit la petite fille dans ses bras et l’emmena avec lui. Peu à peu, l’image de la grande demeure familiale de Jersey s’éloignait de sa vue et de sa mémoire. Elle regarda une dernière fois sa famille qui se tenait derrière les grilles de leur propriété. Tenessy Faith Cooper était une petit fille espiègle et curieuse de tout et pour la première fois, elle allait s’échapper de ce château froid et impersonnel.

Catherine Cooper avait toujours eu une belle vie, pas qu’elle ait vraiment été heureuse non, mais son destin avait déjà été tout tracé et elle s’en contentait. Elle avait étudié un peu, elle s’était mariée aussi. Un sang pur, une sang pure, le poids des traditions. Pas d’amour, juste des convenances. Son mari n’était méchant mais il ne la regardait pas, il ne la voyait pas, jamais. Alors, elle avait cherché. Chercher quelqu’un qui l’aimerait, qui la comprendrait qui la supporterait. Il s’appelait Abel Jamieson, un jeune moldu à peine plus jeune qu’elle. Il avait de longs cheveux roux assez inhabituels pour un homme et un regard azuré toujours rieur. Elle avait succombé, espérant oublier son quotidien vide et monotone. Et elle avait eu une fille. La petite était née au milieu du mois d'octobre, pendant une nuit froide et sombre, dans l'intimité la plus stricte. Elle aurait voulu cacher sa grossesse à sa famille, mais son mari était trop fin limier. De toute façon, n'y avait-il pas une chance sur deux ? La fille de ...? Tenessy était un poupon un peu banal, sans signe distinctif, alors chacun croyait ce qui l’aidait à mieux dormir. Mais elle grandit, ses cheveux s’éclaircissait chaque jour un peu plus, ses expressions se transformaient. A sept ans, sa tignasse brune avait viré à l’auburn et quelques tâches de rousseur venaient pimenter son teint de porcelaine, tandis que ses yeux grands yeux bleus ne quittaient plus leur expression moqueuse. Le portrait de son père. Alors, tout le monde su. On le murmura dans les soirées, on l’avoua à demi-mot.

« Et ses frères, alors ? Qui est le père ? »

Catherine avait eu deux fils avec son mari, Niel Abrahams et Innocent Brown. Les deux garçons s’entendaient comme larron en foire. Ils n’étaient pas particulièrement beaux ni sympathiques, mais d’une grande intelligence. Le premier des deux frères avait une dizaine d’année de plus que leur sœur cadette et avait toujours aimé la taquiner gentiment, ou pas, alors que le second qui n'avait que deux ans de différences avec sa soeur aimait particulièrement la torturer. Ses souvenirs sont fragiles et incertains, ce n’est pas comme si elle les connaissait vraiment. Ce jour là, elle était partie avec lui, Abel Jamieson, son père. Il possédait un petit cottage sur un île au large du Pays de Galle, à l’écart de la foule et des bruits de la ville, face à la mer. L’homme éleva sa fille dans un foyer calme et chaleureux, dans le respect des valeurs de gentillesse et de bonté qui lui était chères. Elle grandit comme une petite moldue dans le refus de la magie, bien sur elle savait, ses frères, ses parents l’utilisaient constamment mais elle préférait tellement ne pas être comme eux et rester ici aussi longtemps que possible. Le monde magique n’était pas le sien. Elle aimait danser, du classique, sur la plage face à la mer, seule toujours. Son enfance fut paisible sur la petite île, les enfants n’étaient pas nombreux à vrai dire et passaient de nombreuses heures à traîner dans les rues pavées après la classe. Des enfants simplement.

Un jour, alors qu’elle rentrait de l’école, elle vit une imposante voiture noire garée devant chez elle. Un client de son père probablement, elle entra discrètement dans la maison, laissa trainer quelques affaires dans l’entrée et alla manger un bout dans la cuisine. Elle chercha dans le frigo, extirpa un morceau de fromage et l’étala sur du pain dur. Son petit rituel fut interrompu par des pas d’adultes qui se rapprochaient.

« Maman ? »
« Mon cœur, on rentre… à la maison. Tu as reçu une lettre de Poudlard. Il est temps que tu retrouves le monde magique. »

Tenessy baissa la tête, elle aurait voulu que ce moment n’arrive jamais, jamais. Elle n’eut pas le temps de dire un mot que sa mère l’attrapa par le bras et transplana, laissant sa vie de petite fille derrière elle. Elle avait juste eu le temps de saisir son sac à dos et ses derniers souvenirs. Elle n’était pas sortie le jour d’après, ni celui d’après. Elle ne reconnaissait plus les gens, plus les lieux, elle se sentait comme une étrangère dans ce monde. Son « père » n’était même pas venu lui parler, pourtant, elle portait encore son nom.

« Alors, c’est vrai. La bâtarde est de retour. »

Elle toisa son frère un instant. Innocent était devenu un homme fier et présomptueux autant qu’elle était devenue une jeune femme passionnée et renfermée. Les deux s’observèrent en chien de faïence. Elle était maintenant aussi grande que lui et pouvait le regarder dans les yeux. Il jaugea la jeune femme à son tour, son corps était athlétique et avait perdu sa rondeur enfantine, comme son visage dont les traits s’étaient allongés. Elle avait encore son menton pointu et son grand front qu’elle cachait avec sa coiffure, quelques mèches étaient coupées courtes pour encadrer sa figure tandis que les autres tombaient négligemment dans son dos. Ses petites tâches de rousseur avaient disparu en même temps que son visage enfantin. Il la transperçait du regard, il avait trouvé sa nouvelle proie.

« On se voit à Poudlard petite sœur ! »

Elle n’était pas très intelligente, mais sérieuse et appliquée. La danse lui avait appris à ne jamais abandonner quelques soit les obstacle, à toujours persévérer malgré les échecs et les moments durs, à aller jusqu’au bout d’elle-même en toutes circonstances, dans les études comme dans la vie. Et elle avait cette envie, envie d’apprendre, de connaitre le monde, de connaitre la vie. Elle avait des idées, des idéaux, des envies d’égalité, de justice et de liberté. Elle aurait aimé être une grande oratrice et les partager, elle aurait aimé suivre sa propre route et les appliquer, elle aurait aimé se battre pour eux. C’est ce qu’elle souhaitait, profondément, mais elle n’en était pas capable, pas par elle-même, elle avait besoin de quelqu’un à ses côtés pour lui dire comment faire, quel chemin prendre, car elle avait peur. Elle n’était pas forte, ni physiquement, ni mentalement, elle avait peur de ce qu’elle voyait, de ce qu’elle était. Elle le savait. Et lui aussi il le savait, il lui avait suffit de quelques mots et un regard pour le savoir. Tenessy Faith parlait peu, elle passait la majeure partie de son temps à observer les relations qui se nouaient entre les autres individus et parfois, elle éclatait d'un rire franc quand elle apercevait les déconvenues de certains. Ces mots étaient toujours remplis d'un sens profond, même s'ils étaient souvent énigmatiques et semblaient en décallage avec la conversation.

« Serdaigle. On pourrait croire que tu m’évites. »
« … »
« Ton moldu de père ne t’as pas appris à parler ?...Peu importe. Sis’ j’ai des gens à te présenter, je suis sur que tu vas les aimer, et ils vont t’aimer … beaucoup. »

Et ils l’avaient aimé, beaucoup, cette petite chose qui ne disait pas un mot et restait enfermée dans un autre monde loin d’eux. Une petite chose malléable à volonté, qui écoute attentivement ce qu’on lui dit, qui agit et fait ce qu’on lui demande.

« Tu as besoin de moi. »
« Pas vraiment, non. »
« Tu as besoin de quelqu’un qui te dise quoi penser. Toujours. Tu ne seras jamais indépendante. Il te faudra toujours un groupe pour te porter, quelqu’un pour te dire que tu es importante, pour te dire que tu as un tant soit peu de valeur. »
« Excuse-moi ? »
« Tu es faible. »
« Je suis ce que les autres veulent de moi, si ça peut les aider à mieux dormir… tu ne me connais pas, un éléphant, c’est très encombrant, chez moi c’est tout petit. Il n’y a pas de place pour toi, mon très cher frère.»

Mais elle mentait, un mensonge de plus et un jour elle se vengerait, un jour, de cet homme qui l’avait manipulé, qui avait joué avec elle comme avec une poupée de chiffon et qui maintenant qu’il partait la laissait seule. Son seul point de repère, sa famille, son ami. Seule, elle était seule. Alors elle allait en cours, chaque jour patiemment, car c’est la seule chose qu’elle savait faire et ce qu’elle faisait le mieux. Et l’écouta, ce professeur qui parlait de Voldemort, qui leur imposa des règles, qui fit d’eux un groupe unis et soudés où chacun avait sa place. Un jeu d’enfant qui s’insinua perfidement dans sa vie, un jeu où elle pouvait enfin être elle-même.